Ligne 7, 9 heures du matin

 

Ligne 7,

9 heures du matin. 

Les parisien.nes vont travailler, faire leurs courses ou promener leurs enfants,
et moi je dors contre la vitre,
habillée comme hier, mascara délavé.
Est-ce que ça se voit que j’ai pas dormi ?
Mon tutu à paillettes, mon perfecto…
Est-ce que ça se voit que je les porte depuis plus de 24 heures ?


Moins deux.
Deux heures délicieuses de sexe du petit matin.
Deux heures seulement.
Ça m’a paru plus long.
C’était long, c’était lent, parfois doux mais c’était aussi fort, c’était vorace, urgent, impérieux.
C’était rock.
Même si c’était pas un membre du groupe dont le concert a lancé ma soirée.


Ça devait pourtant être tranquille cette sortie, dîner avec une copine ex-collègue d’il y a 30 ans, puis concert d’un pote au Supersonic.
Dîner tellement sympa, retrouvailles, bâtons rompus, questions existentielles, politiques forcément, 2e tour des législatives dimanche.
Et puis concert, du rock puissant limite métal, bouchons d’oreille conseillés, je secoue mes cheveux et balance mes hanches sur du gros son, je passe un bon moment et il ne m’échappe pas que le batteur aussi.
Quand il joue il fait la même tête que quand il baise et ne me demandez pas comment je le
sais 😇.
Clairsemé mais conquis, le public oscille, secouage de cheveux généralisé.

Mon voisin barbu me mate, je le sens qui regarde mon cul bouger, il se lance, pointe mes ballerines zèbre, je dois enlever mes bouchons pour l’entendre : « si ça pogotte, t’es mal », pas faux, la plupart des filles portent des Doc, doit y avoir une raison. « Tu me préviendras », je remets mes bouchons mais contact établi, il poursuit : “une femme rock sapée classique, j’adore”.

Je fais mine de n’avoir pas entendu, bouchons d’oreille oblige.
Pas sûr qu’il me plaise alors ne nous emballons pas mais la perspective ouvre ma réflexion. Ai-je envie de choper un inconnu rencontré dans un bar ?

La réponse est oui.


Je suis en couple mais je sors souvent seule et fais ce que je veux de mon cul, c’est notre convention, posée dès notre rencontre. Par moi…
Couple libre asymétrique, lui a la flemme d’en profiter, je lui suffis, tant mieux ou tant pis pour lui.
Il n’aime pas sortir ni se coucher tard, moi si, pourquoi me priverais-je. Il ne sait rien du détail de mes kinks, il ne veut pas savoir, il est vanille et ça lui convient comme ça.
Il connaît l’existence de mon blog mais n’y est jamais allé.
Il préfère ne rien savoir, c’est un choix, mes aventures restent mon jardin secret.

J’aime le sexe débridé, sauvage, les jeux de domination, le bondage, la pluralité, les soirées Hell’O Kinky.
J’ai la saloperie parfaitement décomplexée. Oui, j’aime le cul, et alors, y’a quoi?

Je pratique donc sans lui, j’ai d’autres complices, Paul en particulier avec qui j’ai exploré la majorité de mes fantasmes.
C’est mon amant préféré, mon chef de projet qui m’organise des après-midi selon mes envies, seule avec lui ou avec invités, à l’hôtel ou dans un club, dans le salon privé d’un restaurant, un bar à fantasmes, un club à gang bangs sur mesure… le choix est vaste à Paris. Il me connaît mieux que personne, devine et devance mes désirs, et sait me faire jouir infailliblement.
Il sait aussi m’encorder avec élégance et dextérité.


Hier déjà je l’ai rejoint à une soirée multi.
C’est le nom branché pour partouze.

Terme plus chic, concept identique. Soirée privée, assistance sélectionnée, petit comité. 

Arrivant seule j’ai constaté connaître la majorité des hommes seuls présents : comme moi ils fréquentent ce club libertin historique, une institution parisienne du libertinage CSP+ à l’élégance un brin poussiéreuse.
Les autres invités étaient des couples, composition paritaire, un peu trop à mon goût : trop de femmes.

Trop de rivales pour espérer avoir assez d’hommes à mes pieds, la principale étant l’attrait de la nouveauté.

En effet la majorité des hommes présents m’avaient déjà « faite », selon l’inélégante expression en vigueur. 

Comme des labradors au salon de la baballe, ils ne savaient où donner de la queue et couraient renifler tous les nouveaux culs.
C’est de bonne guerre, mais ça n’arrangeait pas mes affaires.

Car parmi les autres hommes, arrivés en couple et généralement vissés à leur femme,
aucun ne me plaisait, sauf un toy-boy de 19 ans amené par une quinquagénaire qui veillait jalousement sur son butin et ne me semblait guère partageuse.
Pas gagné.

Je suis quant à moi peu attirée par les femmes, profil femme à hommes, j’aime en avoir beaucoup autour de moi.
Vieux fantasme hétéro-normé de reine du bal magnifiée par le désir masculin. Cliché sexiste, construction culturelle inconsciente, je m’en tape,
c’est ce que j’aime et mon féminisme s’en accommode parfaitement.

Mais j’ai laissé mon snobisme au vestiaire avec mon cerveau, et ai profité des bonnes volontés sans trop barguigner.
J’ai pu attirer assez d’hommes à moi pour satisfaire mes envies, l’ironie de l’histoire étant que c’est une femme qui m’a entreprise en premier sur ce fauteuil en cuir, le spectacle faisant converger autant d’hommes que nécessaire.
Un homme quelconque, qui ne me tentait guère au début, ayant notammment commis la faute de goût de garder T-shirt et chaussettes, s’est révélé une excellente surprise.
Il a découvert avec une joie d’enfant l’étendue de la gamme de plaisirs que mon corps lui permettait d’explorer et la richesse et la puissance de mes réactions à ses initiatives inspirées.

Je restai sur ma faim cependant, à la fin de la soirée : après une belle séance d’encordage avec Paul, qui m’avait puissamment excitée, il ne s’est plus trouvé un homme capable de me baiser : tous avaient consumé ailleurs leur capital énergie !

Trop de femmes, je le savais.
L’inconvénient aussi de fréquenter des hommes de mon âge…le jeune premier avait malheureusement disparu.


Effet probable de cette fin de soirée de la veille, l’allumage de mon cerveau en mode salope après ce simple échange à un concert de rock m’éclaire sur ma situation : j’en ai encore sous le pied et l’orgasme contrarié, mode ON activé.
Je ne rentrerai pas les mains vides si je trouve de quoi les occuper.


Fin du concert, je me retrouve au bar avec le barbu, pas sûre qu’il fasse l’affaire, rien chez lui ne m’allume.
La fréquentation du lieu change d’un coup, musique molle, moyenne d’âge divisée par 3, on décide alors de changer de crémerie.

Je suis mon ami Nico le batteur, sa femme et le reste du groupe dans un bar de métalleux, qu’on reconnait à la proportion de gars à cheveux longs…
Le barbu suit, tournicote un peu puis lâche l’affaire devant mon peu d’empressement.
On boit un peu, on discute, politique encore et sujets plus perso.
Le temps passe vite, je suis contente de voir mon ami et sa femme, autre couple libre, mais symétrique. Eux se racontent et se partagent leurs aventures respectives, elle sait donc ce qui me lie à son homme et on a même couché ensemble à trois et à quatre.
Ambiance open minded.

Leur relation est forte, elle me paraît enviable car ils partagent le même goût pour le sexe et la liberté.
J’ai targeté le guitariste, un grand costaud dont Nico me dit qu’il est en chien, mais il ne me calcule pas, trop occupé à parler son avec d’autres métalleux, ca s’appelle un vent… ça arrive et ça ne m’affecte guère : c'est le jeu. 


D’un coup ils partent tous, ça voit l’heure tourner, ça craint le lendemain qui déchante,
bref ça rentre se coucher.

Pas envie de suivre le mouvement, pas encore.
Rester un peu, observer, 
tranquille, les dégaines, les gens qui tanguent, ceux qui s’embrassent, ceux qui refont le monde…

Ai-je l’air pathétique, quinqua toute seule devant sa vodka-tonic, sourire aux lèvres ?
Probable, mais je m’en fous : je suis bien, je me laisse porter par le moment, enivrée par un sentiment de liberté plus que par la vodka, dosée très très light.
Ne jamais boire plus que pour atteindre cette crête du lâcher-prise et s’y tenir, sans perdre le contrôle.

Une petite jeune passe, œil de biche, corps tout en courbes, me regarde, me sourit, je souris.

Allez, le bar va bientôt fermer, je ne vais pas tarder : je finis mon verre et je plie les gaules.


Arrive un grand type mat avec plein de cheveux. Pas en longueur, en épaisseur, c’est pas un métalleux.
Une coupe Afro sur une tête d’arabe.
Joli regard.
Des bagues dans les dents, ça lui donne un faux air d’adolescent.
Me demande si la table est libre, s’installe.
Ses potes arrivent, dit-il, il m’invite à rester.
Et on parle.
J’attaque politique encore, tellement préoccupée, tellement peur que tous ces jeunes
ne votent pas.
Il voterait bien mais ne peut pas : il est tunisien. En plein dans le collimateur.
Et on parle encore, de cinema, il est scénariste en galère, de son pays qu’il connaît peu.

Et il me plait.
Et je l’envisage.
Ses potes n’arrivent pas, l’un passe, ne reste pas, on est seuls.

Il m’intéresse.
Il est bien plus jeune que moi, bien sûr, tout le monde ici est plus jeune que moi, mais tout le monde s’en fout.
Lui aussi visiblement.
Le bar ferme.


On bouge.
On se chauffe du regard, on parle de cul, j’adore faire ça, raconter mes pratiques et mes soirées Kinky ou multi, la soirée de la veille par exemple, mais sans entrer dans les détails, juste par ellipses, en mode teasing.
La lumière qui s’allume dans les yeux des mecs quand ils identifient une fille qui aime le cul et qui le dit comme elle parlerait de cuisine ou d’architecture.
Sapiosexuelle à fond, ils ne retiennent que sexuelle, pas grave.

Ça leur met une petite pression aussi, va falloir assurer pour sortir du lot.

Je lui parle de la règle du Fuck Yes*
Il valide le concept et me réponds Hell Yeah.

La petite à l’œil de biche est ici aussi comme la moitié de l’assistance du bar précédent, elle nous parle, elle me trouve trop belle, elle m’embrasse, j’aime tellement les compliments, on obtient beaucoup de moi par la flatterie, je l’embrasse.

Elle veut mon numéro, elle s’appelle Tara, je le lui donne, l’idée me traverse de l’emmener à la prochaine soirée Hell’O Kinky.
J’ai l’âge de sa mère.
Ça la fait hurler de rire.

Elle nous demande si on va baiser, c’est moi qui réponds.
Nassim habite Villejuif, à peine si je sais où c’est … faut être motivée.
Mais j’en ai envie et quand je suis comme ça rien ne m’arrête.

Elle lui demande direct de décrire sa bite, elle trouve ça important que je sache à quoi m’en tenir avant de partir à l’aventure des faubourgs !
J’adore ces conversations déjantées du petit matin.

Courte et large.
Parfait.

Il me plait.
Je lui dis.
On s’embrasse.
C’est bon.
Tellement révélateur, le baiser, tellement sexuel, tellement excitant.
Ses doigts massent mon crâne, j’adore ça.
Je m’allume. Je m’illumine même, tous mes capteurs sensoriels clignotent, une vraie guirlande de Noël, le désir coule dans mes veines.

Tu as des capotes chez toi ? Je ne fais pas tout le chemin pour rester sur la béquille faute de préservatifs. Il lui en reste quelques-unes me dit-il, ok, on gérera la pénurie.
On s’en va.


Dans le taxi j’allonge mes jambes sur ses genoux, je somnole, il me caresse les jambes négligemment, il n’a pas l’air pressé, j’aime bien, il prend son temps.
J’ai très envie mais je sais combien attiser le désir décuple mon plaisir.
D’anticipation ma culotte est déjà trempée, je sens pulser mon sexe à l’idée de ce qui est à venir.

Je suis en confiance il embrasse trop bien pour mal me baiser, ça sera bon, je le devine et j’ai tellement envie qu’il faudrait qu’il soit manchot pour ne pas me donner de plaisir, la fatigue décuple mon lâcher-prise, je me connais il en faudrait beaucoup pour que l’ orgasme m’échappe. Les orgasmes.

Quand le cerveau donne le feu vert et lance la machine rien ne peut l’arrêter, le sexe appelle le sexe et mes ébats d’hier nourrissent mon désir d’aujourd’hui.
Pas sûr que j’aurais été aussi prête à l’imprévu sans cette soirée d’hier, elle a réveillé mon désir somnolent depuis des semaines.


Il fait grand jour quand on arrive dans sa rue, les piafs sont en transes, la banlieue pavillonnaire s’éveille doucement dans l’air frais du matin.
Je l’embrasse et ce faisant l’attire contre la grille d’un jardin, m’adosse au muret qu’elle surmonte, et ses mains montent sous ma jupe, ses doigts me caressent à travers ma culotte, c’est bon, j’en grogne de plaisir comme un animal affamé, les doigts cramponnés dans la masse de ses cheveux. Jolie mise en bouche. 


Appart typique coloc de mecs, meubles de bric et de broc, ça sent la clope et le négligé,
 je m’en contrefous.

Quand le désir me prend je pourrais baiser n’importe où, la bonne nouvelle c’est que son coloc n’est pas là, ça m’arrange, je n’aurai pas à m’enfermer dans sa chambre ni à réprimer l’expression de mon plaisir qui peut être bruyant.


Je m’allonge sur le canapé fatigué et Nassim va chercher ses capotes pour vérifier son stock,
il les répand sur moi du geste de la main que font les rappeurs dans leurs clips pour distribuer les billets de banque mais il n’y en a que trois, ça nous fait rire.

Tu as un peu trop de vêtements fait-il remarquer, je l’aide à faire valser le tout en un tournemain tandis qu’il s’allonge près de moi et commence à me caresser tout le corps.
Ça commence bien, un garçon qui sait visiter la province et la périphérie plutôt que de se précipiter sur le cœur de ville : prometteur décidément. 

Je voudrais te sucer lui dis-je et je découvre sa queue : elle est brune et conforme à sa description, courte et large elle me plait, il la promène sur mon visage je la lèche, la palpe, la branle et l’enfourne dans ma trop petite bouche, pas trop profond ça me fout des haut-le-cœur j’ai jamais pu.

Il me branle de ses doigts, titille aussi mon cul, et ça commence, il démarre la machine à plaisir que peut être mon corps, déjà les premières rafales me secouent. Pourvu qu’il tienne longtemps, je suis partie pour un tour, pour plusieurs tours de manège, baise-moi lui murmuré-je,
baise-moi s’il te plaît
Baisse moi maintenant.


Lui n’est pas du genre sexuellement bavard et n’a pas ouvert la boîte à compliments qui me fait ronronner d’habitude mais aujourd’hui je n’en ai pas besoin, la soirée d’hier m’a mise en confiance, Tara aussi, je me sens belle et sexy sans besoin de confirmation.
Et là c’est maintenant que je le veux, c’est là que je la veux.
Et c’est bon.
Je le regarde droit dans les yeux , il voit la joie dans les miens tandis qu’il me pénètre et les sensations sont immédiates, elles sont riches, toutes mes terminaisons nerveuses se concentrent autour de sa queue, il bouge bien, des petits mouvements qui vont bien et me déclenchent des décharges électriques successives, Dieu que c’est bon.
Je ne me suis pas trompée, le garçon est sensuel, il écoute et sent mes mouvements, devine ce qui me plaît et adapte les siens.
Pas sûr que le guitariste visé plus haut eut été de cette qualité, j’ai gagné au change.

On passe dans la chambre, on change d’angle, en levrette je me cambre, j’ondule, je le serre en moi, je prends mon plaisir en me contractant autour de sa queue, il doit lutter pour ne pas se faire éjecter et il durcit encore, je tends mon cul, il a déjà manifesté son intérêt pour lui, je sais qu’il l’envisage, cette perspective m’excite encore plus, je jouis en y pensant.

J’ai trempé son lit, ça l’a fait rire quand je l’ai prévenu mais je n’exagérais pas, on cherche une île pour se blottir au sec.
Pause, il n’a pas joui encore, on se caresse, on parle encore, on somnole, il va falloir que je me lève, que je rentre, comme souvent la perspective de la fin réactive mon désir, nos respirations s’accélérèrent il se rallume aussi et c’est mon cul qu’il vise, je le savais et je le voulais, tout mon langage corporel l’y invite, un doigt, deux, trois je feule, ce plaisir-là est animal et fait baisser ma voix de plusieurs octaves, c’est profond ça vient de loin.

Il est large et l’appréhension me contracte mais mon cerveau reprend les commandes pour me détendre et je visualise mon cul qui m’ouvre, Nassim est lent et attentif, pas de va et vient brutaux mais des petits mouvements lents et profonds, il comprend d'instinct comment me prendre et c’est splendide, tellement puissant tellement fort tellement animal.
L’apothéose de ces deux heures au cœur du réacteur.




Le sexe c’est la vie même, l’essence de la pulsion de vie.
Il n’y a rien de mieux pour me redonner de l’énergie.
Nassim n’a pas joui, l’effet de l’alcool dit-il.

Se donnera t-il du plaisir en repensant à celui qu’il m’a procuré?
J’aimerais ça, l’idée m’excite et j’aimerais qu’il me l’écrive.

Plus tard dans la journée je repenserai aux sensations, aux pensées qui m’ont traversée pendant ces quelques heures.
Pour les conserver je les écrirai.
Pour les partager je les publierai.

https://markmanson.net/translations/la-regle-du-fuck-yes?lang=fr

Commentaires

  1. Un texte délicieux, bouillonnant de vie, de jeux de l'amour (?) et du hasard, c'est rock, c'est doux, c'est violent, c'est chaud ; je profite de quelques vibrations de cette soirée qui m'arrivent, atténuées, certes, mais vivaces, par tes mots.
    Merci.

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