TRES
C'est toi qui l'as choisi. C'est toi
qui as choisi l'homme à qui tu vas confier mon plaisir, sachant que celui-ci ne
serait rien sans ta présence.
Tu l'as choisi en fonction de mes
critères, mais selon ton propre feeling.
Tu l'as choisi mince, les traits
fins les yeux sombres. De longs cils : des yeux de fille, et des cheveux
bouclés, un sourire d'enfant...
Tu l’as rencontré dans l'avion au retour
de Bogota. Mannequin, il venait faire un shooting à Paris pour la première
fois. Il était excité et volubile à cette idée. Il t'a fait parler de
Paris, il t'a parlé des femmes, ces françaises qui le font rêver, si élégantes…
mais si intimidantes. Quand il s'est assis à côté de toi dans l'avion l'idée
t'est tout de suite venue : il plairait à Léo.
Il a beaucoup parlé, il t'a dit qu'il
aimait les hommes aussi, mais qu'à Paris il voulait rencontrer des femmes, et
ses yeux brillaient.
L'idée s'est développée dans ton esprit,
tu regardais ses mains : fines, aux longs doigts nerveux, tu les imaginais sur
mon corps. L'idée t'a excité, tu as fermé les yeux.
Comment tu lui as parlé de moi, comment
tu lui as vendu notre fantasme, je ne sais pas… Je ne sais que ce que tu m'en as
dit.
Je ne l'ai pas vu, et je ne le verrai
pas. Je n'ai que ta description pour l'imaginer, et ton récit m'a embrasée.
A l'hôtel tu m'as bandé les yeux puis tu
m'as déshabillée, ne me laissant que les bas et le porte-jarretelles, pour
l'image : le contraste que forme ma peau blanche à la lisière des bas, mon
sexe cadré par les jarretelles, comme un tableau. Ce faisant tu me parlais de
lui, me murmurant les détails de son physique d'ange brun. Il te plait aussi,
je l'entends dans ta voix, une pointe de jalousie me pique, mais je me laisse
emporter par tes mots, ton souffle et tes mains… et l'idée de son arrivée
prochaine.
Mon ventre se creuse d'envie sous la
caresse de tes mains mais tu ne me touches pas où je voudrais tes doigts.
Puis tu utilises les bracelets de cuir
pour m'attacher au lit, les bras levés, les jambes écartées.
Ce n'est pas la première fois, nous
aimons jouer et j'aime que tu me domines ainsi, me livrer à toi, me soumettre à
tes désirs. Parce que je le veux bien.
Le plaisir anticipé et l'excitation
électrisent mon corps, avoir les yeux bandés décuple ma sensibilité, mon sexe
est enflé comme un fruit mûr, quand tu l'effleures du doigt comme par
inadvertance je sursaute et cambre violemment mon corps, tendant mes entraves.
Je suis totalement à ta merci et cela me comble. Tu m'embrasses doucement quand
je veux que ta langue me fouille, tu me caresses délicatement les cheveux quand
je veux que tes doigts me prennent…Tu joues avec mes nerfs.
A mon oreille tu murmures combien tu
apprécies la beauté du spectacle, mon corps entravé et exposé, combien l'image
t'excite, combien ce qui va suivre décuple ton envie de moi…
On frappe à la porte, je sursaute et mon
cœur s'affole. Après une dernière caresse et un baiser dans mes cheveux,
« Te quiero, amorsita » tu
te lèves et vas ouvrir…
Hola
Emilio
Hola
Bruno
J'entends vos pas, Emilio semble marcher
sur la pointe des pieds, il s'arrête, au pied du lit, je crois. Je me concentre
pour interpréter les bruits et les mouvements dans la pièce. Après un silence
que je ne sais pas décrypter sans rien voir, Emilio semble décider de rester et
murmure un timide « hola… Leo… »
Je souris dans sa direction,
« hola »… la situation est un brin comique, que peut-il bien penser
de cette femme attachée, offerte sur ce lit, que son amant lui-même lui
propose ? Mais même cette interrogation ne peut faire retomber mon
excitation. Mon désir est à son comble, jamais je n'ai vécu ça.
J'entends des pas vers la salle de bain,
l'eau coule, je crois qu'Emilio se lave les mains… comme un médecin, l'idée
traverse mon esprit, un scénario de thriller à base de serial-killer ou de
chirurgien psychopathe….
La peur, délicieux frisson le long de mon
échine, fait partie du plaisir, mais ma confiance en toi la tempère. Je sais
que tu peux me protéger, je me suis confiée à toi.
Les pas se rapprochent. Un souffle
s'approche de mon oreille, ce n'est pas le tien, ce n'est pas ton odeur. Une
voix douce me rassure : « que
guapa, Leo… me gustan tus piernas… me gusta tu piel [1] » tandis que
les mains d'Emilio, tiédies par l'eau chaude, me caressent les jambes. Je ne
sais pas où tu es, mais je frissonne sous la caresse. Ses ongles parcourent
l'intérieur de mes cuisses, puis redescendent. Il est doux, attentif, j'entends
sa respiration, j’imagine son regard sur mon corps. Son autre main caresse mes
seins, pince les bouts érigés, tire un peu plus fort, je frémis, il continue,
je me cambre. Je t'entends enfin, tu es près de ma tête, peut-être sur le
fauteuil : ta respiration s'accélère.
Emilio ne m'embrasse pas, cela fait-il
partie de tes instructions ? Je passe la pointe de ma langue sur mes
lèvres, bouche ouverte, je veux qu'il m'embrasse, ou toi, ça m'est égal, je
veux une langue dans ma bouche, des lèvres sur les miennes. Tu comprends mon
message et viens m'embrasser tandis qu'Emilio continue d'exciter mes seins, son
genou remontant entre mes jambes. Ta langue me pénètre comme j'aime, et je tire
sur mes liens pour venir à ta rencontre, le souffle court.
Les mains d'Emilio se déplacent, son
corps aussi, le voici entre mes cuisses, ses doigts commencent à me toucher, me
faisant tressaillir, ta bouche étouffe mon cri bref. Il caresse doucement mon
sexe ouvert, ses doigts tournent autour de mon clitoris, l'as-tu prévenu de mes
réactions à cette caresse ? Si c'est le cas il n'en n'a cure, il entre
deux doigts au fond de mon sexe et de la paume de son autre main masse mon
clitoris, doucement d’abord puis de plus en plus fort. Je ne peux résister,
c'est mécanique, je me contracte et jouis violemment, je gicle et me sens
couler sur ses doigts. Il se rapproche de mon visage, glisse ses doigts entre
nos lèvres, nous faisant goûter mon parfum, nous les suçons et les léchons
ensemble, nos langues se rencontrent et dansent autour de ses doigts.
Ses doigts s’éloignent, hors de ma portée
et je t'entends les sucer, délaissant ma bouche. Je me sens abandonnée, jusqu'à
ce qu'il me donne les doigts de son autre main, je les suce et les mords avec
délice mais… tu me manques, mon amour !
Tu parles à Emilio en espagnol, trop vite
pour que je comprenne, il se lève, j'entends des bruits de tissu, un bruit
métallique, une ceinture sans doute, il doit se déshabiller !
Aveuglée, je ne peux qu’imaginer son corps, que je pense mince et brun, et que je brûle de sentir contre le mien. Tes doigts courent sur mon visage, caressent mon cou, mes lèvres, j'entends Emilio se rapprocher et soudain je sens une queue sur mes lèvres. Ce n'est pas la tienne. Elle est fine et souple, douce, elle caresse ma bouche, glisse sur mon visage, rencontre tes doigts qui la dirigent alors, lui font parcourir mes joues, frôler ma bouche. Tu la caresses en même temps que mon visage, tu joues avec elle, j'entends Emilio grogner, je ne peux pas te voir, j'aimerais pourtant déchiffrer ton expression pour savoir ce que tu ressens à voir et diriger cette queue sur mon visage. Tu la glisses entre mes lèvres, je la lèche, caresse son gland de ma langue… Sa queue, tes doigts, ton souffle court, la vision t'excite je crois, pour moi c'est un cocktail de sensations détonantes, c'est trop, je n'en peux plus, je râle et tire sur mes entraves, le désir me tue, je veux qu'il me prenne, maintenant, je te le dis, tu traduis, il se déplace, docile.
Aveuglée, je ne peux qu’imaginer son corps, que je pense mince et brun, et que je brûle de sentir contre le mien. Tes doigts courent sur mon visage, caressent mon cou, mes lèvres, j'entends Emilio se rapprocher et soudain je sens une queue sur mes lèvres. Ce n'est pas la tienne. Elle est fine et souple, douce, elle caresse ma bouche, glisse sur mon visage, rencontre tes doigts qui la dirigent alors, lui font parcourir mes joues, frôler ma bouche. Tu la caresses en même temps que mon visage, tu joues avec elle, j'entends Emilio grogner, je ne peux pas te voir, j'aimerais pourtant déchiffrer ton expression pour savoir ce que tu ressens à voir et diriger cette queue sur mon visage. Tu la glisses entre mes lèvres, je la lèche, caresse son gland de ma langue… Sa queue, tes doigts, ton souffle court, la vision t'excite je crois, pour moi c'est un cocktail de sensations détonantes, c'est trop, je n'en peux plus, je râle et tire sur mes entraves, le désir me tue, je veux qu'il me prenne, maintenant, je te le dis, tu traduis, il se déplace, docile.
Je l'entends qui s'affaire, déchire
l'emballage du préservatif, je tremble dans l'attente, les secondes sont
interminables, un supplice ! Enfin il se place entre mes jambes, soulève
mes fesses de ses mains, et il rentre doucement au début, puis plus fort et
commence à bouger en maintenant mes fesses. Mon soupir est un soupir de
soulagement et mon excitation est telle que j'explose instantanément, le corps arqué
en arrière, l’orgasme est violent et secoue tout mon corps, le souffle me
manque, le plaisir est immense…et pourtant incomplet. Je ne sais plus où tu es,
tu ne me touches plus, tu me manques, je t'appelle, où es-tu, ne pas te voir,
ne pas te sentir est une torture. « Je
suis là » me rassures-tu enfin en caressant mes
cheveux, « je te
regardais jouir et c'était magnifique » et c’est ta queue que tu
promènes maintenant sur mon visage tout en la caressant de plus en plus fort.
« Je vais jouir, mi amor, je vais jouir
dans ta bouche » me murmures-tu, et tu jaillis sur
mes lèvres et t'enfonces dans ma bouche tandis qu'Emilio cramponne mes
hanches et se crispe dans un cri. Alors je repars de plus belle, comblée par
cette double présence, traversée de spasmes de plaisir comme par un courant
électrique, les liens me font mal tellement je tire dessus, j'ai l'impression
d'être démultipliée, les couleurs explosent dans ma tête comme autant de boules
de feu, je hurle, je jubile, je ris, je pleure, c'est …
Mon Dieu c'est cosmique !
« Je
t'aime » soufflé-je avant de me laisser retomber, morte
ou presque, la respiration haletante, mon cœur battant à tout rompre.
Emilio se retire doucement en me
caressant, il soupire et reste allongé, sa tête sur ma cuisse, sa main
caressant mon ventre. Je n'ai toujours pas vu son visage...
Tendrement, tu détaches les bracelets,
caresses les marques laissées sur mes poignets, et me prends dans tes bras en
t'allongeant. Emilio vient nous rejoindre et s'allonge lui aussi contre moi.
Seul le bruit de nos respirations rompt
le silence de notre retour au réel.
[1] Que tu es belle, Leo. J'aime
tes jambes. J'aime ta peau.
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