Comédie romantique - Nouvelle gentiment érotique





Je sors de cours, inquiète pour mes élèves, bien plus qu’eux-mêmes alors que l’examen approche. Je marche tête baissée, perdue dans mes pensées.
Et tombe nez à nez avec Régis.
Il
m’attendait. Il a cherché l’adresse du lycée, et le voilà, la bouche en cœur.
Déstabilisée par l’effet de
surprise, le cœur battant à tout rompre, je l’entraîne rapidement vers la place de la Nation, désireuse d’échapper aux regards inquisiteurs de mes élèves.

J’avais rencontré Régis à une soirée quelques mois plus tôt, nous avions longuement bavardé, le mode séduction adopté d’emblée : il m’avait dit tout de go tout le bien qu’il pensait de moi depuis la soirée de l’année précédente où il m’avait repérée, il avait souvent pensé à moi depuis et je lui plaisais « à mort ». L’expression m’avait fait rire... Et flattée.

On obtient beaucoup de moi par la flatterie.

Il se rappelait exactement ce que je portais cette fois précédente :

  • -  Tu avais un pantalon treillis qui te faisait un cul divin, et un haut à paillettes qui contrastait avec le pantalon militaire, j’avais adoré ton style.
  • -  Et mon cul, donc...Mais tu ne m’avais pas parlé. Timide ?
  • -  Non, en effet. J’avais parlé de toi à mon pote qui m’avait dit, je me souviens très bien «Oublie, elle est
    mariée depuis 100 ans avec un mec super, elle a jamais bougé une oreille. En plus, c’est une aristo, laisse
    tomber »
J’avais éclaté d’un rire incrédule :
  • -  C’est quoi le rapport avec aristo ?
  • -  Je ne sais pas, je l’avais compris comme « elle a des principes »
  • -  Mouais. Ou alors « elle est coincée »...Ou alors, pire, « elle est trop snob pour sortir avec un Indien » ?
  • -  Oui, j’avoue, j’ai aussi pensé ça.
    Les parents de Régis étaient de Pondichéry. Grand et mince, à la peau caramel, il était franchement canon. Ça m’avait rendue dingue, ces préjugés que pouvait engendrer un nom.
    Ma particule signifiait forcément morale étriquée et racisme larvé ?? J’étais à deux doigts d’aller casser la gueule à son pote...
    Ma colère l’avait fait vraiment rire... et creuser son avantage :
  • -  Donc si je te suis bien, ça veut dire que je pourrais te plaire alors ? 
Je ris:
  • -  Tu perds pas le Nord, toi au moins... Mais bon, prends pas trop la confiance non plus. N’oublie pas que tu t’appelles Régis, ça te fait quand même un sacré handicap!
La conversation avait roulé ainsi une bonne partie de la soirée, entre rire et séduction, il était déjà bien tard, le temps qu’il se lance à venir me parler et les autres, mari compris, étaient trop avinés pour être soupçonneux, même si son pote nous regardait d’un oeil qui ne me plaisait guère.
Je lui glissai mon 06 avant de partir, il s’arrangea pour déposer sur mes lèvres un demi-baiser qui m’électrisa, et conclut la soirée par un sms immédiat « j’ai déjà envie de toi ».
Mais tout ça restait bien virtuel : il habitait Londres, quand bien même j’aurais voulu céder aux sirènes de la tentation... ça n’était pas gagné.

Nous avons passé des mois à échanger par mails et sms, téléphone quelquefois. On se racontait, on jouait
avec l’idée, il m’écrivait ce qu’il me ferait et comment il le ferait quand il viendrait à Paris, je lui répondais ce que ça me ferait et ce que je ferais... Bref, on flirtait à distance, sans risque.
Il évoquait une possible formation à Paris qui ne se concrétisait pas. J’en avais conclu que c’était un virtuel, un homme qui joue avec l’idée mais ne passe jamais à l’acte, et finalement ça me convenait : le fantasme sans la déception, le désir sans l’adultère, le sexe sans la chair.
Cérébral, certes. Mais confortable.

Et maintenant il est là, souriant, aussi beau que dans mon souvenir.
Je me demande furtivement à quoi je ressemble, je dois avoir l’air fatigué, mais je me félicite de m’être recoiffée et remis du rouge avant de sortir. Les réflexes de midinette ont du bon...
  • -  Alors, tu n’es pas heureuse de me voir ? Tu vois, elle a fini par arriver, ma formation à Paris !
  • Euh, si, si, ça me fait plaisir, mais je tombe un peu de l’armoire, à vrai dire. D’abord j’y croyais pas,
    ensuite, pourquoi tu ne m’as pas prévenue ?
  • -  Je ne sais pas, ça s’est débloqué assez vite, et j’ai eu envie de venir te cueillir par surprise !
  • -  Me cueillir, comme tu y vas !
  • -  Oh, tout de suite, tu persifles, c’est une façon de parler. Tu aurais préféré que je dise « te
    prendre » ?
  • -  C’est malin... Bon, et qu’est-ce qu’on fait, maintenant ? J’ai des enfants qui m’attendent à la maison
    et une baby-sitter à libérer, tu es au courant ?
  • -  Oui, mais je sais aussi que quelquefois tu demandes à la baby-sitter de rester, quand tu sors le jeudi
    soir. Tu ne veux pas l’appeler ? On dîne ensemble, rapide, on arpente un peu les rues de Paris, je
    voudrais bien me balader dans le 5e, et puis tu rentres chez toi. Ton mari travaille, ce soir ?
  • -  Oui.

Je suis partagée. D’un côté j’ai l’impression d’être manipulée, qu’il a spéculé sur ma réaction, qu’il prend le contrôle. Il semble parti du principe que je serai disponible et ne demanderai qu’à le suivre béatement...Ça m’agace.
J’ai envie de dire non, juste pour m’affirmer. Par orgueil, en somme
: tu es gentil mais je ne suis pas à ta disposition. Ça, c’est Princesse des Glaces.
Mais quand même je suis tentée. La soirée est belle, la lumière est dorée et l’idée de flâner me parle bien, l’imprévu aussi, c’est comme faire l’école buissonnière... Et puis je suis touchée, flattée : il a préparé sa surprise, recherché mon adresse et mon emploi du temps, il me désire hors du monde virtuel. Je suis curieuse aussi : depuis le temps qu’on en parle à l’abri dans le virtuel, si on se goûtait dans le réel ? Ça, c’est Marie-Salope. Princesse des Glaces et Marie-Salope se disputent régulièrement le contrôle de mes émotions, comme le petit diable et le petit ange de Milou dans Tintin au Tibet. C’est parfois l’une qui l’emporte et je prends une décision raisonnable et rationnelle. Parfois c’est l’autre et je me laisse aller au plaisir de l’instant.

J’appelle, j’explique à ma baby-sitter la réunion que j’avais oubliée et qui se prolongera par un dîner. Je m’excuse platement, mais elle est OK, les enfants sont ravis car elle les laisse bouffer n’importe quoi. J’envoie un sms à mon mari pour info et voilà : je suis libre !

Marie-
Salope, vainqueure par K.O...
Et nous voilà partis jusqu’à la Place d’Italie puis vers la rue Monge. On flâne, on parle, tranquilles, il me glisse des petits compliments vite fait au passage, sans s’appesantir, sans allusion sexuelle. Il est malin, l’animal : nous savons bien tous les deux où cela nous conduira, mais il a deviné mes préventions et compris comment la jouer. No pressure. J’apprécie.
Il porte galamment mon cartable, je me sens légère et détendue, comme libérée du poids de ma journée par cette petite fenêtre de liberté dérobée au quotidien. Une petite brise court sur mes jambes nues bronzées par les dernières vacances, je porte une jolie jupe parapluie, style années 50, petit effet Mad Men, je me sens en beauté. Je l’emmène aux Arènes de Lutèce dont il ne soupçonnait pas l’existence. 

J’adore cet endroit hors du temps, amphithéâtre gallo-romain en plein coeur de Paris.
On y accède par un court souterrain depuis la Rue Monge. Les cris des enfants qui jouent au foot résonnent dans
l’espace et montent vers les gradins tiédis par le soleil.
Les immeubles ont du linge aux fenêtres, la lumière du soir leur donne un air d’Italie du Sud.
Régis est tellement séduit qu’on abandonne l’idée du resto, il file chercher des sandwichs pour qu’on puisse profiter de l’endroit. Je l’attends tranquillement, visage tourné vers le soleil qui chauffe encore un peu et forme des taches d’or sous mes paupières fermées. Je savoure et ne pense à rien d’autre qu’au plaisir de l’instant. Quand j’ouvre les yeux, Régis est de retour, il s’est arrêté à quelques pas de moi, il me regarde et j’adore l’envie que dit son regard. Je souris.

A lui, à son envie. A la mienne.

Quand un coup de vent intempestif soulève tout à coup ma jupe, il souligne la beauté du spectacle et mes jolis dessous ...
Bref on dirait un film, une comédie romantique un peu neu-neu, tout est parfait.
Le mot « moment magique
» n’est plus un slogan publicitaire de concession Peugeot : il a été inventé pour cet instant-là.
Je réussis même à manger mon rosbeef-crudités sans me tacher...
Mais la magie est interrompue par les sifflets des gardiens : Messieurs-Dames, on ferme !
Nous sortons, l’air de rien, mais j’ai repéré un endroit facile à escalader et dès qu’ils ont fermé, on se glisse par- dessus le muret comme Hugh Grant et Julia Roberts dans Coup de Foudre à Notting Hill. Ses mains sur mes fesses pour m’aider à grimper... s’attardent un peu plus que nécessaire... c’est de bonne guerre et je profite de cette sensation et de la légère folie du moment.
Et voilà, c’est maintenant.

Il m’embrasse, me tenant appuyée contre le muret que nous venons d’escalader. Je vais salir ma jupe, mais qu’est-ce que je m’en fous ! Ses mains caressent mon cou, ma nuque, tiennent mon visage pour mieux prendre possession de ma bouche. Sa langue est douce, son parfum me fait chavirer, la peau de ses bras est incroyablement soyeuse sous mes mains.
Ses mains s’enhardissent et soulèvent mon tee-shirt, se glissent sous la dentelle pour caresser mes seins, sa bouche les rejoint tandis que mes mains descendent le long de ses hanches pour venir rencontrer la dureté de sa queue dont la longueur me fait frémir d ‘envie.
Ses mains redescendent et parcourent lentement mes jambes, mes cuisses nues qui en frissonnent, puis caressent mes fesses légèrement, sans précipitation. Nos respirations s’accélèrent, notre désir monte à l’unisson, la conclusion ne fait aucun doute : on va le faire là, dans la semi-pénombre du Parc des Arènes, en pleine ville et en plein air ! J’ai un peu peur quand-même, qui sait qui fréquente ces endroits la nuit, serait-t-il de taille à me défendre contre des méchants ?
Mais le dernier verrou de ma raison saute quand ses doigts se glissent entre mes jambes. A cet instant précis je tuerais père et mère pour le sentir en moi.
  • -  Tu as une capote ? chuchoté-je à son oreille
  • -  Oui, souffle-t-il, ses doigts précisant leur caresse
  • -  Saligaud, tu étais sûr de toi ! Mon souffle s’accélère...
  • -  Ne jamais être pris au dépourvu ! Ç’’aurait été dommage, avoue...
  • -  Sans doute, concédé-je dans un soupir en ondulant des hanches pour l’aider à enlever ma culotte qui valse dans les buissons.

Un anneau providentiel planté dans le mur au-dessus de moi me permet de m’accrocher tandis qu’il soulève mes jambes et se glisse entre elles, il a juste ouvert sa braguette ce qui lui évite la posture ridicule du pantalon au bas des jambes, il a l’air de maîtriser l’exercice...Il me regarde au fond des yeux quand il me pénètre en douceur, me maintenant solidement les fesses, je croise mes chevilles derrière ses reins pour accompagner ses mouvements. Nous évitons de faire du bruit mais ce n’est pas facile, je me mords les lèvres pour ne pas crier tant la sensation est décuplée par l’excitation des circonstances, je pourrais jouir dans l’instant mais je l’attends, me maintenant à grand peine à la lisière de l’orgasme. Je ferme les yeux pour me concentrer sur le plaisir qui me submerge. Il bouge, d’abord lentement, j’ai pleinement conscience de chacun de ses mouvements qui résonnent dans ma chair à cet endroit qui semble directement lié au cerveau, car mon esprit s’emplit d’images et de lumières, des rosaces rouges qui se succèdent, puis il accélère et me baise plus loin et plus fort et les fleurs rouges commencent à exploser sous mon crâne. Je rouvre les yeux et vois le plaisir monter dans son regard et c’est parti pour le bouquet final, ses mains se crispent sur mes fesses, il gémit, j’aime à le voir jouir, je n’en perds pas une miette, mes yeux plongent dans les siens, mon sexe palpite autour du sien, c’est...

encore un de ces petits miracles de l’orgasme partagé !

Il me maintient contr
e lui encore un instant mais je fatigue un peu, je me remets debout et m’appuie contre sa poitrine, difficile de rester d’applomb, nos jambes tremblent de fatigue, nous tanguons l’un contre l’autre, comme les gagnants d’un marathon de danse au petit matin, épuisés mais victorieux. Ambiance « On achève bien les chevaux » mais qui finirait bien...
Nous reprenons nos esprits, sou
riant et soufflant en remettant de l’ordre dans notre tenue. Ma culotte restera dans les buissons, impossible de la trouver, elle suscitera les commentaires voire les fantasmes des ados qui se planquent là pour fumer le pétard. Encore un effort pour repasser le mur, nous voilà dans la rue, un peu étourdis, comme venant d’un autre monde : une parenthèse, un rêve ?
- Mon hôtel n’est pas très loin, dans le 14e, j’ai envie de te déguster plus lentement maintenant, de profiter de chaque centimètre de ton petit corps de rêve ; tu viens ma belle, je t’enlève ?

Bref coup d’œil à ma montre, il n’est pas tard, je le suis, nous rions comme deux idiots, encore essoufflés, comme des garnements qui viennent de faire une bonne blague et de s’en tirer sans dommage. Un taxi nous embarque et sur la banquette nos mains se rejoignent pour se nouer convulsivement. Je pense à cette magnifique scène du film l’Amant, d’après Duras : des mains qui se touchent sur le siège d’une voiture, la puissance érotique de l’image qui m’avait coupé le souffle.
Il s’en souvient, nous dégustons ce souvenir partagé...Qui nous enflamme à nouveau. Le désir n’est pas étanché, j’ai encore envie de lui, lui aussi et nos mains l’expriment sans équivoque.

Qu’est
-ce que je fabrique encore, je n’en loupe pas une, j’entends d’ici les commentaires consternés de mon amie Mathilde... D’après elle, dès qu’on me touche le cul je n’ai plus de cerveau... Ce qui n’est pas complètement faux.
Mais Bon Dieu tout ça est tellement délicieux, pourquoi se l’interdire ?

Mon cerveau, je le ferme, je refuse de raisonner, je ferai le point demain, là je veux savourer.
Ta gueule, Princesse des Glaces, il faut savoir accepter sa défaite.


A son hôtel nous avons réparé tous les manques, pris le temps de nous découvrir tranquillement, de profiter à plein de nos épidermes et de nos sensations. L’épisode des Arènes avait calmé la fringale, nous avons pu traiter de la gourmandise et ce fut délicieux.

Demain sera un autre jour.

Commentaires

  1. Je continue ma découverte de vos écrits en commençant par le début : je suis donc allé chercher les articles les plus anciens et remonte ceux-ci par l'ordre chronologique de votre blog.
    Je continue à apprécier de vous lire en pensant à mes propres écrits : j'aime beaucoup votre plume et la pudeur de ce récit qui contraste tellement avec la nouvelle précédente.
    Bien à vous
    Alain

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